Al Kamandjâti sonne juste pour la jeunesse des camps de réfugiés au Liban
Une association palestinienne propose des cours de musique aux jeunes de Chatila et Burj Al Brajneh. « Elle leur permet, d’aller à la découverte de leur héritage culturel et de s’ouvrir au monde extérieur, tout en échappant à la dureté du quotidien ». Ce soir ils donnent un concert à Beyrouth.
Une mélodie harmonieuse semée de quelques fausses notes parcourt les rues étroites du camp de réfugiés. Cinq jeunes vêtus de chemises blanches et aux cheveux coiffés de gel attendent le départ, instrument au poignet. Violons, ouds, et percussions orientales se mêlent aux murs décaties, aux essaims de fils électriques et aux chats errants de Chatilla. Khalil, Omar, Ahmad, Hussam et Khaled s’entrainent pour le concert. Une fois terminé, ils se dirigent vers le bus d’un pas décidé et la mine fière, rejoindre le reste de l’orchestre. Une vingtaine de jeunes de Burj Al Brajneh et Chatila, les deux principaux camps de Beyrouth, les attendent. Agés de 10 à 22 ans, ceux qui jouent ce soir sont les plus expérimentés et les plus assidus de l’association, d’après Julie Vautard directrice du projet « Al Kamandjâti » au Liban.
Arrivé au Biel, espace destiné aux congrès et aux manifestations, les musiciens retrouvent leurs professeurs qui leurs tendent les partitions. Ils ont quelques minutes pour s’en imprégner. L’occasion de se confier pour Ahmad, palestinien vivant à Burj Al Brajneh et étudiant en ingénierie mécanique « Il faut quatre ans pour apprendre à jouer avec le Re. Puis une année pour chaque autre note » lance-t-il en montrant six Nays, instrument artisanale s’apparentant à la flute, de tailles différentes. « Au départ, j’ai rejoint l’association pour faire plaisir à une amie. Finalement elle est partie et moi j’ai continué ». Certains suivent les cours uniquement pour le plaisir de jouer, d’autres font partis du conservatoire de Beyrouth et abordent cette discipline très au sérieux. « J’étudie au conservatoire mais il nous font trop peu jouer. Alors, je complète avec les leçons d’Al Kamandjâti et je donne en échange quelques cours à mon tour » explique Mohammad, le chanteur soliste, joueur de Oud et l’un des plus âgé de la troupe. L’association travaille avec plus de 70 enfants au Liban et neuf d’entre eux suivent désormais des cours au conservatoire national.
La musique est une panacée
Comment la musique vient-elle en aide aux jeunes? « Al Kamandjâti a pour objectif de soutenir l’effort d’éducation et de scolarisation des enfants palestiniens, en particulier les plus démunis, ceux vivant dans les camps de réfugiés et les villages, en leur rendant la musique accessible » stipule une description de l’association « Elle leur permet, d’aller à la découverte de leur héritage culturel et de s’ouvrir au monde extérieur, tout en échappant à la dureté du quotidien ». A travers des cours hebdomadaires et en mettant à disposition des instruments, Al Kamandjâti parvient à fédérer de plus en plus de jeunes. L’association a vu le jour en France en 2002 puis en Palestine en 2004 et enfin au Liban en 2008, à l'initiative de Ramzi Aburedwan, originaire du camp de réfugiés d´Al Amari près de Ramallah et étudiant Palestinien au Conservatoire National de Région d´Angers.
« Je voulais venir en aide aux enfants, j’ai deux filles et j’habite aussi à Burj al Brajneh. La vie n’est pas toujours facile et la musique est un moyen d’oublier les problèmes » témoigne Abed, assistant social au sein de l’institution national Beit Atfal Assumoud en partenariat avec Al Kamandjâti. Un assaut de bon sens que confirme Julie Vautard « c’est un besoin culturel essentiel ». Essentiel, d’autant plus que la situation dans les camps de réfugiés au Liban tel que Chatila se détériore. La crise syrienne précarise d’avantage les populations des quartiers déjà enclavés depuis la Nakba (la catastrophe), l’exode palestinien en 1948, qui doivent endosser un afflux massif de réfugiés.
Après avoir régler la balance, il ne reste plus qu’une petite heure à l’orchestre pour répéter. En pleine période de ramadan, la plupart des jeunes n’ont pas bu ni mangé de la journée et la fatigue les dissipe. Mais Hussam, professeur de percussion et chef d’orchestre pour l’occasion parvient à maintenir l’attention de ses élèves avec son sourire et son air flegmatique. La répétition terminée, les jeunes mangent en vitesse et se rendent dans les loges pour se préparer. Les filles sont vêtues d'une robe en satin noire brodée de motifs rouges. Les garçons portent une chemise blanche sauf Mohammad, le soliste qui est tout de noir vêtu et porte un keffieh aux couleurs de la Palestine. Les plus jeunes s’impatientent et babillent à tout va pour évacuer le stress. Les filles et les plus âgés scrutent la sortie des loges, d’un air anxieux.
C’est enfin le moment tant attendu. Les élèves d’Al Kamandjâti entrent en scène et entament le concert qui durera près d’une demi heure. Un concert de musique orientale ou les chants traditionnels, les cordes et les vents ne font plus qu’un. Un concert qui sonne juste dans une société parfois désaccordée.










